Des Führers aux brulures picassiennes

            Le musée de Grenoble présente du 5 octobre 2019 au 5 janvier 2020 une exposition intitulée « PICASSO Au cœur des ténèbres (1939-1945) ». A travers ces œuvres d’arts, nous retrouvons les thèmes brulants qu’incarnent la mort, le nazisme, le franquisme et les relations sentimentales arrachées. Picasso n’a pas seulement perdu sa patrie au cours de cette période, mais aussi sa mère, son meilleur ami et la femme qu’il aimait. Avant-gardiste, il fut l’un des premiers à annoncer et représenter l’inévitable Seconde Guerre Mondiale – critiquer en son temps, il est aujourd’hui impensable de ne pas reconnaître sa flamme artistique qui brule en lui. A travers ces tableaux moroses, Picasso nous communique de façon poignante l’effroi de ces années de Terreur.

            Picasso dans « Chat saisissant un oiseau » peint en 1939, incarne toutes les libertés arrachées aux peuples. L’oiseau qui a la capacité de voler au-dessus de tout danger, au-dessus de toutes menaces, symbolise la liberté. Cependant cette liberté représentée par l’oiseau dont l’aile est arrachée, perd l’outil nécessaire à sa survie ainsi qu’à sa façon de se déplacer. Cela nous informe la manière dont Picasso conçoit les dégâts de la guerre dont le parti Nazi s’approprie les territoires français et encadre les populations. Le chat représente toute la férocité du parti Nazi, ses yeux écarquillés à l’image du sang le stimule. Le regard froid, les narines dilatés, les griffes sorties, le ventre remplie par ses victimes, il est la symbolique de la colère et de la folie nazie. Le contraste des couleurs marque cet instant, des grands yeux blanc et noir à la vue d’une aile en sang. Le chat représente alors la perte de liberté ainsi que la liberté de mouvement dont les populations sont privées.

Le tableau incarne un fait pire que la mort, celui d’être privé de liberté pour une idéologie allant à l’encontre des libertés fondamentales, du respect, de la paix, de la compassion… tout ce qui qualifie un être humain équilibré. C’est pour cette raison que Picasso utilise des animaux afin de dénoncer ce manque d’humanité si bestial.

La toile Nature morte au crâne de taureau, peinte par Picasso le 5 avril 1942 suite au décès de son ami sculpteur Julio Gonzalez, est un memento mori saisissant. Il s’agit conjointement pour le peintre d’un biais pour exorciser la profonde tristesse qu’a provoqué en lui l’annonce de sa mort prématurée et de lui rendre hommage. C’est ce grand chagrin le brûlant intérieurement que le peintre retranscrit sur cette toile sobre et obscur, dont se détache tel un être fantomatique la très pâle tête de taureau. Cette peinture est un chant funèbre dédié à l’artiste comme en témoignent l’austère ciel violacé et la croix à l’arrière-plan. Ces éléments confèrent à la nature morte un aspect dramatique. Profondément endeuillé et peiné, Picasso aurait confié à Fénosa, un sculpteur Catalan, « C’est moi qui l’ai tué ».

L’huile sur toile, Femme au chapeau dans un fauteuil, peinte par Picasso à l’effigie de Dora Maar, sa maîtresse attitrée et égérie des surréalistes, reprend ironiquement à l’iconographie des rois et des reines l’attribut du trône. Il s’agit pour lui de transmettre une impression d’enfermement par ce fauteuil aux barreaux noirs pouvant évoquer ceux d’une cage de fer ou les barreaux d’une cellule de prison. Cette œuvre expose l’ambiance des années de guerre. Picasso fait subir à Dora, à travers de nombreuses peintures, toutes les métamorphoses afin qu’elle puisse incarner le drame qui se profile. Stylisé et animalisé, son visage et son corps ne peuvent plus réellement être considérés comme tels. Ils sont utilisés par le peintre afin de transmettre son effroi et sa désillusion.

Femme au chapeau assise dans un fauteuil Dora Maar 1941 Oil Painting

            Ainsi nous vous recommandons cette exposition puisque que comme nous, elle vous permettra de comprendre et de ressentir tout de dont les victimes du nazisme ont eu l’effroi d’endurer. Ces tableaux parlent d’eux-mêmes, pour la plupart d’entre eux, les couleurs, les formes et les objects (tissus, cartons…) utilisés par l’auteur vous laisseront stoïques. Ce ne sont pas que des tableaux, ce sont des sentiments, des émotions, de la peur et de l’horreur que Picasso a peinte. Or il ne s’agit pas que d’un point de vu, mais aussi celui de nombreux peuples qui ont souffert pendant plus de 6 ans. Plus de six puisqu’un nombre incalculable de plaies ne se sont jamais refermées et images qui ont pu hanter les pensées et les rêves les plus intime.

Prendre part à cette exposition est tel un devoir de mémoire et une façon de dire : plus jamais la guerre.

MANON FOURNIER-BIDOZ, SOLENE FORNENGO

Une réflexion sur « Des Führers aux brulures picassiennes »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *