« Cet accident m’a doublement brûlé. » Grands brûlés : se reconstruire après les flammes

C’est avec beaucoup de reconnaissance que nous avons pu, le samedi 7 décembre 2019, rencontrer un homme pour qui la vie a aujourd’hui une valeur ineffable. Guillaume – dont nous avons changé le prénom selon sa volonté – est devenu à 20 ans ce que l’on appelle un « grand brûlé », un survivant miraculé du feu. Son témoignage porte le touchant message de son combat pour se rebâtir après la fièvre.

Lorsque l’on demande à Guillaume de raconter son accident, l’émotion semble le gagner de façon intense. Et, pourtant, plus de douze ans sépare l’entretien qui nous réunit dans son appartement grenoblois, de l’instant qui aura changé sa vie pour toujours. En mars 2007, la voiture de Guillaume se fait percuter par une autre à pleine vitesse sur l’autoroute, provoquant l’embrasement des deux véhicules. « Je ne me souviens de rien qui ait succédé la collision » confie-t-il, dans un éclat de voix navré. « Je peux revoir la camionnette devant moi glisser sur la droite, et je me souviens de la seconde où je réalise que nous allons nous percuter. Après le choc, c’est le trou noir. » Inconscient, il est brûlé au troisième degré sur 60% de son corps, et transporté par hélicoptère à un centre de soin d’urgence pour grands brûlés , où il restera pendant plusieurs mois. Mais c’est en souriant qu’il déclare : « Cette hospitalisation a marqué le début de la période la plus enrichissante de ma vie. »

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Un individu est dit « grand brûlé » s’il souffre de brûlure au deuxième ou troisième degré (qui affecte épiderme et derme, empêchant la régénération des cellules cutanées) ; et ce, sur plus de 20% de sa surface corporelle.

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  Car la reconstruction de Guillaume s’est inscrite – et s’inscrit encore – dans plusieurs plans. « Il a fallu, tout d’abord, me rétablir physiquement. » En effet, dès son arrivée au service, le jeune homme est placé dans un coma artificiel pour plusieurs semaines ;  afin de lui prodiguer des soins et d’éviter la douleur. Greffes de peau, opérations, précèderont trois mois d’alitement interminables pour le sportif qu’il est.À l’hôpital, soutenu par le corps médical et par sa famille, la rééducation physique se met en place jour après jour. « J’ai dû réapprendre la moindre des évidences. Me tenir debout, marcher, m’assoir, tout était à refaire ; et le combat résidait dans chaque petit geste du quotidien. » 

Guillaume a également dû se confronter à son nouveau corps, couvert de marbrures et de cicatrices. « La chance que j’ai eu, dans mon accident, c’est que seule une petite partie de mon visage a été touchée par les flammes. Certains sont malheureusement entièrement défigurés. » Mais, malgré une certaine identité faciale conservée, il a fallut faire sien ce nouveau corps, et apprendre à l’aimer. Les premiers temps, Guillaume pensait qu’il serait impossible de ne plus regarder ses cicatrices un jour, tant elles étaient omniprésentes. Le regard des autres, parfois pesant, l’a poussé à porter des pulls même en été, pour cacher ses stigmates. « Mais je m’y suis fait, petit à petit, déterminé à reprendre une vie normale. C’était finalement comme une renaissance. »

Le plus difficile, pour le jeune homme, a été la reconstruction mentale. « Cet accident m’a doublement brûlé, affirme-t-il. Il a brûlé mon corps, et brûlé mon identité. Je croyais que ma vie entière avait été consumée dans les flammes. » Comme beaucoup d’accidentés, Guillaume est tombé en lourde dépression nerveuse. Impuissant face à la longueur de sa rééducation, il refusait d’accepter son sort. Et puis, un jour, le déclic. Le reflet de son corps maigre et meurtri dans le miroir. Guillaume ne veut pas d’une vie placée sous l’étiquette de « victime », et décide de se battre contre lui-même. Grâce aux psychologues qui l’aidaient et à la force de sa volonté, il a su, chaque jour, faire des progrès conséquents. Les flammes qui l’avaient éteint étaient désormais celles qui l’animaient d’espoir.

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 Chaque année, on dénombre 9000 accidents de brûlure en France (et 200 décès). La cause principale demeure les accidents domestiques (liquides brûlants, produits ménagers : les sources de risque sont nombreuses). La prévention reste aujourd’hui le meilleur moyen d’anticiper les accidents.

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    Aujourd’hui, Guillaume ressort victorieux  et grandi de cet accident. Infirmier, marié et père d’un petit garçon, il est pleinement épanoui dans sa vie, et a pu reprendre le sport. Il est par ailleurs régulièrement invité à témoigner auprès d’autres brûlés, pour raconter son histoire. « J’essaie de faire comprendre que la vie ne s’arrête pas ; mais qu’une nouvelle commence. Bien sûr, toutes les situations sont différentes, plus ou moins pénibles – et dans mon malheur, je me considère chanceux. J’ai rencontré des dizaines de cas plus difficiles que les miens. Mais je crois qu’il faut s’accrocher, quoi qu’il arrive. C’est pour ça que le rôle de la famille et de l’entourage est fondamental. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est aider les accidentés. Je suis convaincu que la vie a voulu de moi que je reste pour transmettre un message d’espoir.» 

Le traumatisme reste là, il est ancré, à vie. Mais Guillaume affirme se porter bien aujourd’hui, et être en bonne santé – tant sur le plan moral que physique. Les cicatrices strient toujours sa peau mais il ne les voit plus, et ne prête plus attention au regard des autres ; et il continue de lutter pour faire de son chemin un modèle pour d’autres accidentés. Les témoignages comme ceux de Guillaume, multipliés par la diffusion des médias et réseaux sociaux, sont essentiels : pour montrer aux blessés que la vie après l’incendie n’est pas moins lumineuse, si l’on s’accroche à la flamme de l’espoir.

MARIE NIMSGERN

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